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Conclusion

dimanche 30 avril 2006

A la fin des Journées, il a été demandé à M. Achille d’interpréter le spiritual lyonnais inspiré par le boycott des autobus de Montgomery. Avant de chanter en anglais ce spiritual tout à fait contemporain

"I will walk on my own legs
Till kingdom come !"

l’orateur a fait les remarques suivantes :

Une très longue pratique du Negro spiritual, d’une part, avec une chorale lycéenne et des cantiques français contemporains, d’autre part, dans une grande paroisse lyonnaise, permet de multiples, fécondes ou décevantes réflexions. La différence des réactions entre de jeunes lycéens cultivés et les paroissiens d’un quartier assez bourgeois, à la messe dominicale de 11 h 1/4, face à leurs répertoires respectifs, ne tient pas uniquement aux différences d’âge, de culture, d’environnement, de langue et de musique. Le contenu des chants, la façon dont ceux-ci répondent aux besoins de ceux qui les interprètent, la méthode d’interprétation, enfin, semblent faire la différence. Contrairement aux spirituals, conçus dans des conditions de vie si différentes de celles de leurs jeunes interprètes lyonnais, beaucoup de nos chants français ne semblent pas être nés de situations cruciales, ni poser de questions vitales, ni s’adresser aux entrailles des hommes, là où ils ont mal. Les souffrances, injustices, inégalités évoquées semblent l’être par procuration, dans la bouche de paroissiens auxquels sont maintenant épargnés les maux et même les péchés les plus graves. S’ils devaient chanter quelque chose avec conviction, ne serait-ce pas plutôt la chance, la santé, le bien-être, l’opulence dont jouissent encore pour quelque temps, la majorité des nations occidentales ? Peut-être des chants de louange sonneraient-ils plus justes dans ces bouches-là. Rendre grâce pour sa chance, n’est-ce pas chercher à la mériter un peu ?

Inversement, les spirituals sont des chants de pauvres, d’êtres de foi menacés, au moins théoriquement, des épreuves les plus inhumaines, d’hommes en qui l’humanité avait été réduite au point que la divinité pouvait y occuper toute la place, de croyants tellement déçus par les hommes qu’ils ne croyaient plus qu’en Dieu. Ce sont, à mon humble avis, la gravité de la situation, la force de l’espérance, la confiance dans les promesses divines, la profondeur du dénuement qui ont fait trouver le mot juste, la mélodie qui le sert sans l’écraser ni l’altérer, le rythme qui injecte au corps humain la vie d’un Dieu incarné. Et tout l’être de chanter, transporté de joie.

Louis ACHILLE

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